La bonne nouvelle est tombée le 02 juillet 2019 : pour la première fois depuis sa création l’université est lauréate d’un appel à projets très sélectif du schéma directeur pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (plus communément appelé H2020) de la commission européenne. L’UNC et ses partenaires scientifiques, dans le cadre du programme RISE (Research and Innovation Staff Exchange – Programme d’échanges de personnels pour la recherche et l’innovation), se voient octroyer 1 288 000 euros soit presque 154 millions CFP sur 4 ans du 1er avril 2020 au 31 mars 2024.
Une problématique qui s’inscrit dans un contexte de changement climatique
L’objectif principal de ce projet dénommé FALAH et soutenu par le programme MSCA-RISE-2019 est de créer et animer un réseau d’équipes de recherche opérant dans la région du Pacifique et constitué de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et doctorants qui ont un intérêt commun pour la sécurité alimentaire et ses liens directs ou indirects avec l’environnement, la nutrition et la santé.
Le but final du projet est de promouvoir et de redynamiser l’agriculture familiale afin d’améliorer la santé des populations dans le Pacifique et d’assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de transformations sociales et économiques rapides et de changements climatiques dont les effets sont particulièrement néfastes pour les populations des îles du Pacifique.
Des enjeux et des objets d’étude liant agriculture, nutrition, et éducation
Dans un contexte de changement climatique qui affecte les territoires insulaires du Pacifique avec une acuité particulière, les enjeux de sécurité alimentaire (pressions sur l’accès à la ressource), de santé publique (explosion des maladies non transmissibles sur les 40 dernières années), et de développement sont forts pour les états d’Océanie.
Aussi, le projet FALAH a été pensé et posé sur trois axes complémentaires regroupant les grands sujets de recherche des acteurs impliqués. On retrouve premièrement l’objet d’étude dédié à l’agriculture en Océanie, de la production à la commercialisation. La petite taille des états insulaires et la pression d’une urbanisation grandissante à laquelle ils n’échappent pas impliquent de bien connaître les modalités et les capacités de production agricole spécifiques à ces environnements singuliers.
Vient ensuite un objet d’étude lié à l’alimentation et à l’hygiène de vie des populations insulaires du Pacifique, depuis l’approvisionnement jusqu’aux activités physiques et sportives (incidence sanitaire). La production agricole est au service de la nutrition des populations mais la facilité induite par les produits importés et la modernisation des modes de vie demandent de bien connaître les interactions qui génèrent les problématiques de santé publique.
Enfin, les échanges de connaissances et de savoir-faire sont un objet d’étude primordial afin de préserver des savoirs et des modes de production alimentaire ancestraux menacés notamment par la mondialisation. Cet échange de connaissances contribuera à les revaloriser et à les optimiser dans le cadre d’une éducation académique qui rend ses lettres de noblesse à des pratiques et des savoirs éprouvés mais parfois délaissés.
Sur ces aspects, il est à noter que le projet FALAH inclura des doctorants inscrits à l’UNC et dans d’autres universités partenaires (6 doctorants sont inscrits en thèse sur des terrains du Vanuatu et de Fidji). Ces recherches doctorales seront directement intégrées au projet FALAH et bénéficieront des complémentarités thématiques et méthodologiques développées dans le projet. Les recherches doctorales sont réalisées sur divers terrains en milieux urbains et ruraux. Ces thèses vont croiser les savoirs traditionnels et les connaissances scientifiques. L’aboutissement de ces recherches constituera un des résultats majeurs du projet.
Des résultats attendus qui ambitionnent de révolutionner l’approche de l’aménagement des villes, de la production de nourriture et de ses modes de consommation dans le Pacifique
Les porteurs du projet FALAH et leurs nombreux partenaires ambitionnent de contribuer – à l’échelle de l’Océanie – à enrayer les phénomènes d’urbanisation sauvage, d’obésité, de développement des maladies non transmissibles, et de perte des connaissances de productions agricoles traditionnelles.
Avec les décideurs publics, il s’agira de promouvoir une autre conception des aménagements urbains pour « changer les villes », qui sont par définition des espaces non agricoles, et y introduire de plus en plus de zones d’autoproduction alimentaire. Mais le travail consistera aussi à rapprocher les lieux de production des lieux de consommation pour éviter des déplacements qui – dans les archipels – deviennent vite très onéreux.
La dimension culturelle est aussi importante et le projet vise d’une part à valoriser le rapport culturel particulier à la terre qui habite les sociétés traditionnelles du Pacifique, et d’autre part à contribuer à mieux intégrer la ville dans l’espace rural en promouvant, par exemple, le principe « d’agroville » ou « de mixte rural-urbain ».
FALAH ambitionne également de contribuer à modifier les pratiques agricoles et le rapport à l’activité agricole en promouvant le concept de « complexe agri-scolaire » qui consiste à organiser l’espace et les infrastructures scolaires de façon intégrée pour permettre d’impliquer les élèves dans la production d’une partie de leur nourriture notamment dans les internats scolaires (fréquents dans le Pacifique du fait de l’éloignement des tribus). Le professeur Fotsing croit au levier que constitue la nouvelle génération : « on propose que ça parte de la jeunesse pour changer le rapport et la perception de la production agricole de proximité dans les espaces urbains. »
La réglementation constituera également un axe de travail : les interdictions de ventes de produits ultra- transformés importés, trop gras, trop sucrés et trop salés à proximité des établissements scolaires ayant montré de très bon résultats sur la santé des jeunes scolarisés.
Dans cette optique un autre résultat attendu est une meilleure insertion des zones urbanisées dans l’environnement agricole et l’optimisation des ressources locales tout en démontrant que cela peut non seulement avoir un intérêt écologique et sanitaire mais également économique (conformément aux principes du développement durable) : en cuisinant et en commercialisant les produits locaux pour les habitants et pour les touristes, les populations locales vont renouer avec leurs habitudes traditionnelles et prendront conscience qu’elles ont une richesse sous leurs pieds (terroir) et dans les mains (savoir-faire). Les produits locaux, faciles à commercialiser et sains, deviendront une richesse pour les îles du Pacifique. Le volet éducation et recherche agronomique permettra d’optimiser la capacité des îliens à produire et consommer différemment sans avoir recours à des produits importés souvent générateurs de déchets mal gérés (emballages plastiques) et de mauvaises habitudes alimentaires.
Source: www.unc.nc